[NOTES DE LECTURE] L’expérience ordinaire du cinéma selon Cavell : une éducation philosophique.

  • Sandra Laugier, Recommencer la philosophie. Stanley Cavell et la philosophie en Amérique, chapitre « Esthétique de l’ordinaire », Paris, Vrin, « Philosophie du présent », 2014. 
  • Élise Domenach, Stanley Cavell, le cinéma et le scepticisme, Paris, Puf, 2011.

Les philosophes Élise Domenach et Sandra Laugier reviennent chacune sur la pensée philosophique du cinéma élaborée par Stanley Cavell. Pour le philosophe américain, spécialiste entre autres du transcendantalisme et du perfectionnisme émersoniens, une pensée « ordinaire » du cinéma se doit de dépasser toute théorisation absconse au profit du seul questionnement de l’expérience spectatorielle. C’est pourquoi les cinq ouvrages qu’il consacre au septième art [1]  ne développent pas tant, comme le fait par exemple Gilles Deleuze dans son diptyque Cinéma [2], une série de concepts philosophiques spécifiques à l’art cinématographique que l’idée selon laquelle le cinéma, expérience artistique ordinaire et partagée, nous permet d’échapper à la tentation sceptique et participe, au même titre que la philosophie, d’une forme d’éducation, autrement dit de transformation et de perfectionnement (éthique), des adultes…

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[ARTICLE] « L’idéé de “faire de la philosophie” » selon François Zourabichvili

Si François Zourabichvili est connu – et reconnu – comme professeur de philosophie, spécialiste, entre autres, des pensées de Spinoza et de Deleuze, beaucoup, au premier rang desquels ses anciens étudiants de l’université Paul-Valéry Montpellier 3 et collègues ou amis universitaires, n’hésitent pas à le considérer aussi comme un philosophe à part entière ayant développé une pensée singulière, puissante, vivace et aiguë (son concept de « jeu », compris comme reconnaissance non mimétique, en est très certainement l’exemple le plus probant). Parallèlement à ce double travail d’explication textuelle et de création conceptuelle, François Zourabichvili n’a eu de cesse de s’interroger sur ce que « faire de la philosophie » signifie. Si cette « réflexion » n’a fait l’objet d’aucune publication indépendante, c’est sous la forme de bribes de pensées disséminées de-ci de-là dans ses ouvrages, articles, et cours, que l’auteur de Deleuze, une philosophie de l’événement nous livre ses idées en matière de « faire » philosophique. Cet article, non sans reprendre, et peut-être même trahir, certaines idées zourabichviliennes en matière de pratique et praxis philosophiques, entend préciser le sens de ce syntagme qui, comme nous le verrons, participe d’un triple mouvement 1/ d’affection et d’implication, 2/ d’explication et 3/ de création, et dont la finalité, éthique, est de nous transformer.

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[ARTICLE] Des animaux en particulier et de la nature en général. Malick et la métaphysique du Tout.

Le cinéma de Terrence Malick fourmille d’innombrables présences animales : canidés, coléoptères, cervidés, etc., dans La Balade Sauvage (Badlands, 1973) ; léporidés, insectes, bovidés, etc., dans Les Moissons du ciel (Days of Heaven,1978) ; crocodilidés, psittacidés, accipitridés, etc., dans La Ligne rouge (The Thin Red Line, 1998) et dans Le Nouveau Monde (The New World, 2005) ; théropodes, sauropodes, lépidoptères, etc., dans The Tree of Life (2011), etc., les films du réalisateur texan constituent, pour partie, un important bestiaire. Malick serait en ce sens un artiste-imagier animalier. Pour autant, il apparaît doublement difficile, et problématique, de n’envisager ses films qu’à partir de ces seules présences.

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[REVUE] Jodorowsky, d’un art à l’autre. Connexions, hybridations, circulations (avec Céline Saturnino et Fabien Meynier).

Ce seizième numéro de la revue Entrelacs se propose d’explorer l’œuvre plurielle de l’artiste franco-chilien Alejandro Jodorowsky en interrogeant les processus de circulations, d’hybridations et de connexions qui font dialoguer les différentes productions selon des jeux d’écho, de renvois, de reprises, etc. Ces processus multiples englobent des situations narratives, des motifs ou encore des pratiques qui se déplacent d’une œuvre et d’un support à l’autre. Les huit autrices et auteurs de ce numéro se sont attachés à montrer que ces circulations constituent un réseau intertextuel et transmédial essentiel à l’élaboration et à la compréhension des pratiques créatorielles de Jodorowsky.

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[NOTE DE LECTURE] « Mises en je. Autobiographie et documentaire (2016) » de Juliette Goursat.

L’autobiographie documentaire filmée, apparue dans les années 1950 aux États-Unis, n’a jusqu’ici fait l’objet que de peu d’investigations. Et c’est précisément ce manque scientifique que vient combler l’ouvrage de Juliette Goursat, Mises en « je ». Autobiographie et documentaire (2016), en proposant une vue d’ensemble d’un « genre » qui semble échapper à toute forme de théorisation et catégorisation. Dans cet itinéraire cinématographique, cinq axes de réflexion sont abordés : l’histoire des pratiques et des théories, formes de l’énonciation, modes de mises en récit, figures des jeux d’échelle et questionnements éthiques.

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[BIOGRAPHIE] Terrence Malick (2nd partie : 1979-1998)

Terrence Malick (Photo by Gary Miller/FilmMagic)

Moins d’une dizaine de films en plus de quarante ans de carrière, un hiatus de vingt ans entre Days of Heaven (1978) et The Thin Red Line (1998), trois interviews accordées, des films teintés de philosophie transcendantaliste et heideggérienne, une absence totale de la scène médiatique, autant d’éléments qui concourent à faire de Terrence Malick un cinéaste aussi rare que mystérieux. Celui qu’on a souvent comparé à Stanley Kubrick n’a d’ailleurs laissé échapper que très peu d’informations le concernant. Pourtant, nombre de fragments biographiques, quelquefois contradictoires, ont été rapportés par ses plus proches collaborateurs et permettent d’esquisser les grandes lignes d’existence du réalisateur de The Tree of Life. Tentative de synthèse biographique. 

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[BIOGRAPHIE] Terrence Malick (1ère partie : 1943-1978)

Terrence Malick

Terrence Malick

Moins d’une dizaine de films en plus de quarante ans de carrière, un hiatus de vingt ans entre Days of Heaven (1978) et The Thin Red Line (1998), trois interviews accordées, des films teintés de philosophie transcendantaliste et heideggérienne, une absence totale de la scène médiatique, autant d’éléments qui concourent à faire de Terrence Malick un cinéaste aussi rare que mystérieux. Celui qu’on a souvent comparé à Stanley Kubrick n’a d’ailleurs laissé échapper que très peu d’informations le concernant. Pourtant, nombre de fragments biographiques, quelquefois contradictoires, ont été rapportés par ses plus proches collaborateurs et permettent d’esquisser les grandes lignes d’existence du réalisateur de The Tree of Life. Tentative de synthèse biographique. 

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[GLOSE] Dire, décrire et penser le « naître » : une gageure philosophique et littéraire ?

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La Naissance de Vénus de Sandro Botticelli (vers 1485)

Evénement existentiel majeur pour certains, hasard ou accident pour les autres, la naissance n’a fait l’objet que de trop rares conceptualisations et idéations philosophiques. Quand, pour sa part, la littérature s’en saisit, c’est pour nous en donner des descriptions et représentations sales, viles et scandaleuses. Aperçu non-exhaustif de quelques-unes de ces « naissances » philosophiques et littéraires.

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[CRITIQUE] « Et Nietzsche a pleuré » d’Irvin D. Yalom

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Le « ménage à trois » : Lou Salomé, Paul Rée et Friedrich Nietzsche

Et si le docteur et physiologiste Josef Breuer avait été le médecin du philosophe Friedrich W. Nietzsche à Vienne en 1882, que se seraient-ils dit ? Et quel type de relation auraient-ils pu entretenir ? Thérapeutique ? Philosophique ? Amicale ? Tel est le questionnement singulier sur lequel repose l’intrigue de ce roman « psychanalytico-philosophique » publié en 1992 par l’écrivain et professeur de psychiatrie Irvin David Yalom. Dans cette « fiction paradoxale » nourrie de nombreux éléments biographiques et bibliographiques authentiques, on assiste, non sans une certaine attraction-répulsion, aux développements parallèles et partagés de la philosophie nietzschéenne et de la psychanalyse. Pour le meilleur et pour le pire.

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