[ARTICLE] « L’idéé de “faire de la philosophie” » selon François Zourabichvili

Si François Zourabichvili est connu – et reconnu – comme professeur de philosophie, spécialiste, entre autres, des pensées de Spinoza et de Deleuze, beaucoup, au premier rang desquels ses anciens étudiants de l’université Paul-Valéry Montpellier 3 et collègues ou amis universitaires, n’hésitent pas à le considérer aussi comme un philosophe à part entière ayant développé une pensée singulière, puissante, vivace et aiguë (son concept de « jeu », compris comme reconnaissance non mimétique, en est très certainement l’exemple le plus probant). Parallèlement à ce double travail d’explication textuelle et de création conceptuelle, François Zourabichvili n’a eu de cesse de s’interroger sur ce que « faire de la philosophie » signifie. Si cette « réflexion » n’a fait l’objet d’aucune publication indépendante, c’est sous la forme de bribes de pensées disséminées de-ci de-là dans ses ouvrages, articles, et cours, que l’auteur de Deleuze, une philosophie de l’événement nous livre ses idées en matière de « faire » philosophique. Cet article, non sans reprendre, et peut-être même trahir, certaines idées zourabichviliennes en matière de pratique et praxis philosophiques, entend préciser le sens de ce syntagme qui, comme nous le verrons, participe d’un triple mouvement 1/ d’affection et d’implication, 2/ d’explication et 3/ de création, et dont la finalité, éthique, est de nous transformer.

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[ARTICLE] Des animaux en particulier et de la nature en général. Malick et la métaphysique du Tout.

Le cinéma de Terrence Malick fourmille d’innombrables présences animales : canidés, coléoptères, cervidés, etc., dans La Balade Sauvage (Badlands, 1973) ; léporidés, insectes, bovidés, etc., dans Les Moissons du ciel (Days of Heaven,1978) ; crocodilidés, psittacidés, accipitridés, etc., dans La Ligne rouge (The Thin Red Line, 1998) et dans Le Nouveau Monde (The New World, 2005) ; théropodes, sauropodes, lépidoptères, etc., dans The Tree of Life (2011), etc., les films du réalisateur texan constituent, pour partie, un important bestiaire. Malick serait en ce sens un artiste-imagier animalier. Pour autant, il apparaît doublement difficile, et problématique, de n’envisager ses films qu’à partir de ces seules présences.

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[REVUE] Jodorowsky, d’un art à l’autre. Connexions, hybridations, circulations (avec Céline Saturnino et Fabien Meynier).

Ce seizième numéro de la revue Entrelacs se propose d’explorer l’œuvre plurielle de l’artiste franco-chilien Alejandro Jodorowsky en interrogeant les processus de circulations, d’hybridations et de connexions qui font dialoguer les différentes productions selon des jeux d’écho, de renvois, de reprises, etc. Ces processus multiples englobent des situations narratives, des motifs ou encore des pratiques qui se déplacent d’une œuvre et d’un support à l’autre. Les huit autrices et auteurs de ce numéro se sont attachés à montrer que ces circulations constituent un réseau intertextuel et transmédial essentiel à l’élaboration et à la compréhension des pratiques créatorielles de Jodorowsky.

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[NOTE DE LECTURE] « Mises en je. Autobiographie et documentaire (2016) » de Juliette Goursat.

L’autobiographie documentaire filmée, apparue dans les années 1950 aux États-Unis, n’a jusqu’ici fait l’objet que de peu d’investigations. Et c’est précisément ce manque scientifique que vient combler l’ouvrage de Juliette Goursat, Mises en « je ». Autobiographie et documentaire (2016), en proposant une vue d’ensemble d’un « genre » qui semble échapper à toute forme de théorisation et catégorisation. Dans cet itinéraire cinématographique, cinq axes de réflexion sont abordés : l’histoire des pratiques et des théories, formes de l’énonciation, modes de mises en récit, figures des jeux d’échelle et questionnements éthiques.

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[CRITIQUE] « Et Nietzsche a pleuré » d’Irvin D. Yalom

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Le « ménage à trois » : Lou Salomé, Paul Rée et Friedrich Nietzsche

Et si le docteur et physiologiste Josef Breuer avait été le médecin du philosophe Friedrich W. Nietzsche à Vienne en 1882, que se seraient-ils dit ? Et quel type de relation auraient-ils pu entretenir ? Thérapeutique ? Philosophique ? Amicale ? Tel est le questionnement singulier sur lequel repose l’intrigue de ce roman « psychanalytico-philosophique » publié en 1992 par l’écrivain et professeur de psychiatrie Irvin David Yalom. Dans cette « fiction paradoxale » nourrie de nombreux éléments biographiques et bibliographiques authentiques, on assiste, non sans une certaine attraction-répulsion, aux développements parallèles et partagés de la philosophie nietzschéenne et de la psychanalyse. Pour le meilleur et pour le pire.

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[ANALYSE] « Black Swan » de Darren Aronofsky

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Sorti dans les salles en février 2011, Black Swan, cinquième long-métrage de Darren Aronofsky, met en scène les vicissitudes existentielles de Nina, une jeune et talentueuse danseuse du New York City Ballet qui, à force de persévérance, parvient à décrocher le premier rôle dans une nouvelle mise en scène du Lac des Cygnes de Tchaïkovski. Une double interprétation qui va la contraindre à danser le cygne blanc ET le cygne noir, deux personnages aux caractères artistiques opposés et conflictuels. Si le cygne blanc exige des aptitudes techniques parfaitement maîtrisées par Nina, le cygne noir, lui, requiert un ensemble de qualités qui échappent à la ballerine. Et pour cause, l’incarnation du cygne noir ne peut être réalisée en dehors d’une sculpture de soi dans laquelle c’est la vie, elle-même, qui demande à être domptée artistiquement. Développant le thème romantique du double et de la dualité, le film dramatise cette (con-)quête ambivalente, bienfaitrice et destructrice, du « cygne noir ».   

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[CRITIQUE] « Knight of cups » de Terrence Malick

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Présenté en compétition officielle lors de la dernière Berlinale, Knight of Cups, septième long-métrage de Terrence Malick, met en scène Rick (Christian Bale), un scénariste hollywoodien en proie à des turpitudes amoureuses, professionnelles et existentielles. Poème cinématographique, envolée métaphysique, l’opus dissémine derrière l’apparent déjà-vu de son formalisme et de son éloge de la lumière une critique acerbe de l’univers hollywoodien.

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[ARTICLE] « Fly-in-a-bottle » episode. Regards croisés (cinéma/littérature) sur Breaking Bad (avec Amélie Chabrier).

« Fly », « la mouche » en français, est le trentième épisode de la série dramatique Breaking Bad, diffusée entre 2008 et 2013 sur la chaîne américaine AMC. Walter White, scientifique de génie réduit à enseigner la chimie dans un lycée d’Albuquerque, au Nouveau Mexique, apprend qu’il est atteint d’un cancer du poumon. Voulant assurer un avenir hors du besoin à sa famille, il décide de se lancer dans la fabrication et le trafic de drogue, la méthamphétamine, avec l’aide de Jesse Pinkman, l’un de ses anciens élèves qui a mal tourné. Or, ce qui n’est au départ qu’une tentative hasardeuse et souvent grotesque pour gagner quelques milliers de dollars se révèle être une entreprise juteuse : Walter White, à la vie médiocre et insipide, se transforme peu à peu en baron de la drogue. Breaking Bad raconte donc l’irrésistible ascension de Walter, dans un mélange de genres qui fait le succès aussi bien critique que public de la série : drame domestique, dimension initiatique, stratégies politiques, guerre des cartels.

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